L’imagination de Victor Hugo est très largement visuelle : elle s’exprime bien sûr au moyen d’images poétiques et romanesques mais aussi à travers les célèbres dessins de l’écrivain. Cependant, on sait peut-être moins que cette imagination est aussi géométrique et topographique. L’appréhension de l’espace est chez Victor Hugo un puissant accélérateur de la créativité littéraire. Il est assez fréquent que l’écrivain utilise des plans et des schémas à caractère cartographique pour contribuer à l’élaboration de ses œuvres parmi lesquelles des récits de voyage mais également des romans.
Ill. 1. Manuscrit de Notre-Dame de Paris, Bibliothèque nationale de France. NAF 13378, f° 410v°.
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Parfois, ces recherches préliminaires impriment leur marque à l’œuvre achevée. On peut penser au célèbre chapitre « Paris à vol d’oiseau » de Notre-Dame de Paris [ill. 1] ou à la description non moins célèbre de la bataille de Waterloo dans Les Misérables dans laquelle l’écrivain identifie le plan des troupes au sol à la forme d’un « A » renversé. Ce sont des cas significatifs de l’attention que Victor Hugo porte à ce qu’il appelle le « plan géométral », la vision zénithale.
L’objectif du projet « Cartographies hugoliennes » (Carto-Hugo) est d’étudier, à travers les manuscrits de l’écrivain, la façon dont la représentation spatiale et cartographique engendre l’univers littéraire et structure l’imagination romanesque. Le site Carto-Hugo se concentre sur un cas particulier, un corpus de brouillons et de dessins ayant conduit, à partir du premier carnet de prise de notes en 1859 [ill. 2], à la création du roman d’aventures maritimes Les Travailleurs de la mer en 1866.
Ill. 2. Carnet de notes utilisé en 1859, Bibliothèque nationale de France, NAF 13450, f° 25r°.
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Durant la conception de son roman, Hugo réalise des cartes que l’on pourra découvrir sur le site. Il s’attarde sur des paysages qui vont devenir cruciaux pour l’intrigue. En dessinant ses cartes, Hugo sélectionne des lieux, construit des points de vue qu’il restitue ensuite par le dessin et par l’écriture dans d’autres feuillets. Il précise également des décors, inspirés de croquis réalisés sur le motif. Il peut aussi matérialiser les trajectoires de ses personnages dans l’espace.
Le site propose ainsi une édition du roman et de son chapitre préliminaire, L’Archipel de la Manche, balisée sous l’angle topographique et mise en relation avec un ensemble de documents cartographiques, génétiques et visuels [ill. 3]. L’objectif est d’apprécier les liens entre espace géographique et espace romanesque sans rapporter strictement l’un à l’autre mais pour mesurer au contraire le travail créatif de l’écrivain à l’œuvre dans l’espace génétique des manuscrits.
Ill. 3. Carnet de notes utilisé en 1863-1864, Bibliothèque nationale de France, NAF 13460, f° 82v°.
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